LE BLOC PROGRAMME A COGNACQ-JAY
18 févr. 2021LE BLOC PROGRAMME
Les premières émissions expérimentales de télévision sont réalisées par la Compagnie des Compteurs (CdC) à Montrouge, puis dans un petit studio de la rue de Grenelle à Paris.
En 1935, Georges Mandel, ministre des PTT, demande à la CdC de transférer ses équipements dans le grand amphithéâtre de l’école supérieure des PTT situé lui aussi rue de Grenelle, réaménagé en studio. Il déclare l'ouverture officielle du service de la télévision en France. L’inauguration de la télévision en 60 lignes a lieu le 26 avril 1935.
C’est la secrétaire du président de la CdC, Suzanne Bridoux, qui présente les premières émissions expérimentales de télévision. C'est ensuite Suzy Wincker qui remplit ce rôle d’une manière permanente pendant plusieurs années. Elle est reconnue comme la première speakerine de la télévision française. Ce centre de télévision produit ses émissions d’abord en 60 lignes puis rapidement en 180 pour atteindre 455 lignes en 1937. Il cesse ses activités en 1939 lors de l’arrivée des troupes d’occupation allemandes. Après la libération de Paris en 1944, les techniciens de la Radiodiffusion Nationale (RN) récupèrent le magnifique centre de télévision aménagé par l’occupant de la rue Cognacq-Jay. Il faut restaurer et moderniser les locaux abandonnés et se familiariser avec le matériel au standard allemand de 441 lignes laissé sur place. L’armée américaine ayant peur d’être brouillée interdit alors le redémarrage de l’émetteur de la tour Eiffel celui-ci fonctionnant dans la même bande de fréquence que leurs moyens de télécommunications. Cette interdiction cesse en 1945 mais les travaux de réaménagement du centre de télévision de Cognacq-Jay durent encore quelques temps. Il est de nouveau opérationnel avec 3 studios et des cellules techniques dont le télécinéma en fin 1945.
Il faut constamment améliorer les locaux et le matériel du centre pour s’adapter aux nouveaux besoins de l’exploitation d'une télévision en plein développement. Les techniciens sont confrontés à des exigences nouvelles consistant à pouvoir enchaîner les images provenant des 3 studios et du télécinéma pour constituer les programmes de la journée. Pour répondre à ce besoin, un bloc programme tenant lieu de poste de commandement est créé pour organiser tous ces enchaînements.
Le bloc programme est constitué de la régie finale, du studio de complément, d’un équipement technique et de la cabine du chef de chaine.
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C’est dans l’équipement technique que sont effectués tous les réglages sur les voies de caméras. L’équipement dispose également d’un analyseur d’images fixes (AIF) équipé de diapositives permettant de passer des annonces à l’antenne.
Dans la cabine du chef de chaine, un responsable veille au bon déroulement des programmes. À tout moment il peut interrompre le programme pour faire passer une annonce très importante pour le pays. Il décide aussi de la mise à l’antenne de panneaux d’excuses en cas d’incident ou de demander à la speakerine de faire un communiqué spécial.
C’est Jacqueline Joubert qui réalise la première annonce, en tant que speakerine, à la RTF en 1949 devant une caméra fabriquée par la Compagnie des Compteurs, équipée d’un tube de prise de vue iconoscope.
Des caméras à tourelle équipées d’un super iconoscope sont ensuite installées dans ce bloc programme de cette première chaine historique de la télévision française, jusqu’à l’arrivée des modèles intégrant un tube Image-Orthicon (THT 628, THT 678 et 679). Ces caméras, fabriquées par la société Thomson Houston, qui disposent d’un zoom sont utilisées à partir de 1960 jusqu’à l’arrivée de la couleur sur cette première chaine en 1975.
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Cette caméra est disponible suivant plusieurs versions (tubes, transistors et étanche à la pluie.
Elle marque l’abandon définitif de la tourelle d’objectifs.
Elle est munie d’une monocommande Zoom/Point, simple sûre et pratique.
Le zoom de rapport 4, est amovible pour le transport et est disponible dans 3 gammes de focales :
- 35-140 mm
- 50- 200 mm (standard)
- 100- 400 mm (reportage)
Au fur et à mesure du développement de la télévision, d’autres blocs programmes sont mis en service pour la 2 ème , la 3ème chaine et aussi pour les échanges internationaux. Les blocs programme ont l’appellation assez simple de BP1, BP2, BP3 et BP4.
A la suite de réaménagements et de mise à niveau du matériel, la 1ère chaine historique utilise le BP2, la 2 ème chaine le BP1 et la 3 ème le BP3. Le BP4 est utilisé pour les échanges internationaux appelées EVN (Eurovision News Exchange).
Le BP4 fonctionne sans speakerine.
Le tube de prise de vue Image-Orthicon a de bonnes performances en qualité d’image mais ne supporte pas de filmer, pendant une longue période, des images fixes sans endommager sa cible photosensible qui effectue la transformation de la lumière en courant. La cible était alors marquée d’une manière plus ou moins définitive en gardant en mémoire l’image fixe.
Pour éviter ce phénomène très gênant, les fabricants de caméras mettent au point un système électronique de balayage permettant que l’analyse de l’image se fasse suivant une légère rotation circulaire très lente, quasiment invisible par les téléspectateurs, de manière à ne pas marquer la cible. Ce dispositif prend le nom d’orbiteur. L’orbiteur est mis en route à la demande, par le cadreur, suivant les prises de vues à effectuer à l’aide d’un bouton situé à côté du viseur à l’arrière de la caméra .
Rappelons que le bloc programme dispose d’un petit studio de complément équipé de 2 caméras vidéo.
La première caméra est dirigée vers la speakerine qui intervient régulièrement pour annoncer les programmes. La deuxième caméra est dirigée vers la pendule d’Hourriez qui depuis le 25 décembre 1959 précède le démarrage des programmes de la chaine. Ces deux caméras sont exploitées sans cadreur. Le responsable technique du bloc programme vérifie juste chaque matin les réglages (le cadrage et la mise au point) et un électricien remet éventuellement la pendule à l’heure en interrogeant l’horloge parlante.
Un dimanche matin un peu avant le démarrage des émissions religieuses, Denise Favre s’apprête à s’installer dans le studio devant sa caméra. Le responsable technique (*) s’aperçoit que la caméra speakerine vient de tomber en panne. Il applique alors la procédure d’urgence prévue en déplaçant la caméra de la pendule vers Denise Favre.
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Avant de prendre l’antenne, Denise Favre vérifie sa position sur son moniteur. Elle s’inquiète de la mauvaise qualité de l'image car elle apparait derrière un fond représentant la pendule d’Hourriez. C’est la stupeur pendant quelques secondes en régie finale, mais n’ayant pas d’autres possibilités le chef de chaine demande lui demande d’annoncer quand même l’émission religieuse.
Durant l’émission religieuse, la maintenance intervient et constate une panne d’orbiteur. Elle effectue un changement de caméra. Denise Favre reprend l’antenne et présente la suite du programme de la journée dans des conditions normales.
La pendule d’Hourriez a été visible à l’antenne de la 1ère chaine jusqu’à l’éclatement de l'ORTF en fin d’année 1974.
En 1975, TDF récupère la pendule et la place dans une vitrine de son magasin central. En 1998 après avoir été restaurée et équipée d’un mouvement radio piloté elle est installée dans le hall d’entrée du siège de TDF à Issy les Moulineaux. Au bout de 10 ans TDF quitte Issy les Moulineaux. La pendule est remisée dans les nouveaux locaux de TDF à St Quentin en Yvelines jusqu’au jour où une personne (*) la récupère in extremis avant qu’elle parte au rebut.
Aujourd’hui, elle a de nouveau été restaurée et elle est conservée en fonctionnement au siège de l’ACHDR dans le Berry.
Cette pendule de la RTF, qui a précédé celle d’Hourriez est la première à avoir été mise à l’antenne février 1956.
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(*) C’est un concours de circonstance, mais c’est la même personne qui a travaillé au BP2 en 1974 et qui a récupéré la pendule d’Hourriez à St Quentin en Yvelines pour la donner à l’ACHDR. Cette personne est Henri Leclerc qui a terminé sa carrière comme ingénieur chez TDF.
(Source Daniel Bottin / ACHDR)