La première station régionale de télévision à voir le jour en France est celle de Lille en avril 1950.

En 1952 un relais hertzien est mis en service entre Paris et la capitale des Flandres permettant de diffuser les programmes parisiens.

Sous l’impulsion du directeur des programmes de la RTF Jean Darcy, ce relais technique lillois permet la diffusion le 9 juillet 1952 de la  première  émission  internationale  de  télévision en  direct organisée  par la RTF et la BBC intitulée « La Semaine franco-britannique » dans laquelle Catherine Langeais souhaite la bienvenue aux téléspectateurs britanniques.

Pour les deux diffuseurs publics (BBC et RTF) la difficulté d’échanger leurs programmes provient d’un

standard de production différent.

Les ingénieurs réussissent à régler le problème de conversion de leurs standards de production : (405 lignes au Royaume-Uni, 441 et 819 lignes en France en mettant au point un convertisseur de définition.

Ce convertisseur est composé d’une caméra 405 lignes reprenant l'image d'un moniteur 819 lignes à tube cathodique spécifique à haute rémanence et le même dispositif technique inverse pour que cela puisse fonctionner.

Ce dispositif permit ensuite à la RTF d’unifier ses programmes sur ses deux réseaux 441 et 819 lignes, via le même principe : une caméra 441 lignes reprenant l'image d'un moniteur 819 lignes. Les techniciens de la RTF peuvent ainsi se débarrasser des encombrantes caméras 441 lignes.

Le 2 juin 1953, grâce à un réseau de faisceaux hertziens, le couronnement de la reine Elisabeth II est diffusé en direct pendant six heures dans cinq pays d’Europe : Angleterre, France, Belgique, Pays-Bas, Allemagne. La prise de vue est effectuée, par les caméras de la BBC, qui rappelons-le fonctionnent en 405 lignes. La BBC a disposé 17 caméras sur le parcours emprunté par le cortège royal.

Tous les autres pays européens continentaux ont adopté le 625 lignes excepté la France qui exploite sa télévision en 441 et 819 lignes.

Le 405 lignes de la BBC doit être converti en 625, 819 et 441 lignes pour satisfaire les besoins de chaque pays.

Le succès de la diffusion de ce couronnement donne l’idée aux organismes de télévision européens d’effectuer régulièrement des échanges internationaux. L’Eurovision vient de naitre avec la diffusion le 6 juin 1954 de la première émission officielle depuis Montreux en Suisse vers 8 pays.

Il s’est alors créé une étroite collaboration entre la télévision belge et française pour organiser des échanges internationaux. Ceci s’est fait grâce à un réseau de faisceaux hertziens reliant tous ces pays. Ce réseau continue à se développer permettant à d’autres pays d’Europe comme l’Italie, l’Espagne et bien d’autres par la suite de participer à ces échanges.

Les journaux télévisés d’un pays peuvent diffuser le jour même des évènements s’étant déroulés à l’autre bout de l’Europe.

La RTF a alors conçu à Cognacq-Jay un local technique permanent spécifique comportant plusieurs cellules de conversion de définition avec moniteurs et caméras adéquates. Ce local fut baptisé « Convertisseur International de Définition » (CID).

Le réseau de faisceaux hertzien de la télévision française

A la fin des années 60, le réseau hertzien de l’O.R.T.F., constitué d’une centaine de stations- relais pour 7000 kilomètres de liaisons, se ramifie à partir du Centre des Buttes-Chaumont, lui- même relié par câbles coaxiaux au Centre Nodal de Cognacq-Jay.

Il est raccordé pour les échanges internationaux aux réseaux homologues de tous les pays voisins, et à la station de Pleumeur-Bodou pour les liaisons par satellites.

 

 

 

 

À partir de 1962 les techniciens ont fait face à un problème un peu plus compliqué. Le satellite Telstar nouvellement lancé permet de recevoir des images de télévision en provenance des États-Unis dont le standard est de 525 lignes avec 60 trames par seconde et non 50 comme c’est le cas en Europe. Il a fallu inventer un système « antifliker » permettant d’atténuer le papillotement obtenu lors de la conversion des signaux vidéo de 60 à 50 trames. L’idée de créer une « Mondovision » est dans l’air afin de pouvoir diffuser des programmes dans le monde entier et ceci en direct.

Après quelques expériences fructueuses sur le plan sportif et musical ; la Mondovision devient réalité le 25 juin 1967 ; c’est la retransmission en direct d’un concert des Beatles auprès de 400 à 700 millions de téléspectateurs.

En 1954, la RTF achète des caméras à tourelle THT 620 fabriquées par la société Thomson Houston. Elles sont équipées de tubes de prise de vue « super iconoscope ». Les « super iconoscopes » ont des performances très supérieures à leurs prédécesseurs les iconoscopes. Malheureusement quelques défauts persistent, en particulier l’apparition de taches provoquées par des émissions électroniques secondaires à l’intérieure du tube. Ces défauts sont en partie corrigés après de longs et minutieux réglages effectués par les ingénieurs de la vision. A chaque changement d’éclairage il faut refaire les réglages.

En 1955, Thomson Houston propose les mêmes caméras THT 620 en les équipant d’un nouveau tube de prise

de vue « l’Image-Orthicon ». Ce tube développé par les américains pour des standards de 525 et 625 lignes

présente une moins bonne définition que le super iconoscope ; il mais n’a pas de défauts de taches et possède une très bonne sensibilité permettant des prises de vues en lumière ambiante. La RTF continue d’équiper ses studios et ses cars de reportages avec ces nouveaux modèles de caméras, tout en continuant d’utiliser les premiers modèles achetés.

Cette caméra à tourelle THT 620 pouvait être équipée de plusieurs objectifs avec des focales différentes allant de 35 à 500 mm. Le 500 mm est un téléobjectif utilisé essentiellement pour les reportages. Pour la conversion de standard on équipe cette caméra avec objectif 150 mm de focal.

Ce type de caméra était encore utilisé pour des prises de vues en N&B lors des jeux olympiques de Grenoble en 1968.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Les photos ci-dessous montrent les principaux tubes de prise de vue ayant équipé les caméras de télévision en N&B.

Le plus ancien à gauche est l’iconoscope breveté aux États-Unis par Zworikyn en 1927. Au milieu une version améliorée du premier est le super iconoscope, créé en 1935 par la société Marconi EMI. À droite l’Image- Orthicon créé en 1945 par la société RCA. Ce dernier a été le plus utilisé et a permis le développement de la télévision N&B dans le monde entier. Les premières caméras couleur aux États-Unis étaient équipées de 4 tubes de ce type. L’électronique de l’Image-Orthicon est enfermée dans une ampoule en verre cylindrique de 7 à 10 cm de diamètre suivant le modèle et de 40 cm de long. L’iconoscope et le super iconoscope ont des longueurs un peu près équivalentes à celle de l’image-orthicon, par contre les diamètres des ampoules sont un peu plus grands.

Opération pirate au convertisseur

Il n’y a pas que les studios de télévision qui utilisent des caméras : comme on l’a vu plus haut, on en trouve également dans le local convertisseur. Les caméras du convertisseur sont équipées de super iconoscope. Ces modèles sont rapidement obsolètes mais il faut absolument les amortir et il n’est pas question de les changer rapidement.

Les techniciens du convertisseur sont désolés de devoir corriger constamment les défauts du tube de prise de vue et d’obtenir quelques fois de médiocres qualités d’images converties.

Lors d’un week-end end les techniciens du convertisseur, à l’insu de leur hiérarchie, profitent de l’arrêt d’un studio de Cognacq-Jay pour prélever une caméra nouveau modèle afin de la mettre en service à côté des leurs. Ils convertissent des images durant tout un dimanche en permutant régulièrement les caméras afin de mettre en évidence les différentes qualités obtenues.

A cette époque il y a qu’une seule chaîne et le directeur des programmes de la télévision Jean Darcy regarde chez lui avec beaucoup d’intérêt les émissions sur son téléviseur. Lors de diffusion d’images transitant par le convertisseur il constate que la qualité des images n’est pas constante et décide de se rendre à Cognacq-Jay pour élucider ce problème. Il comprend rapidement ce qui se passe et devant la réalité des choses il ne fait aucune remontrance aux techniciens. Il leur demande juste de remettre en place discrètement le matériel dans le studio à la fin des émissions.

Le lundi matin il convoque le directeur technique afin que celui-ci entame les démarches nécessaires en vue d’équiper le convertisseur de nouvelles caméras équipées de tube de prise de vue Image-Orthicon.

Les personnes qui ont travaillé à la RTF et à l’ORTF peuvent se rappeler des noms des techniciens qui ont monté cette opération pirate. Le chef de brigade initiateur de cette opération était Georges Frachet et son assistant Jean Avezou.

Georges Frachet a terminé sa carrière comme ingénieur au service des études à Issy les Moulineaux. Il a effectué de nombreux travaux dans le domaine de la métrologie en particulier sur les lignes test. On lui doit aussi le développement de plusieurs oscilloscopes de mesures et de profil. Toutes les cellules techniques de l’ORTF disposaient d’un ou plusieurs oscilloscopes de profil conçus par Georges Frachet. Les techniciens désignaient cet oscilloscope (SN 923) sous le nom commun de « frachet ».

Son adjoint, Jean Avezou après avoir été chef de car à Dijon a terminé sa carrière comme Chef de Centre de France 3 Bourgogne.

Il faut préciser que le directeur des programmes de la RTF de l’époque Jean Darcy est considéré aujourd’hui comme l’un des pionniers de l’EUROVISION. Il a milité depuis mai 1941 dans un groupe de travail de l’Union Européenne de Radiodiffusion (UER) chargé de créer une bourse d’échanges de programmes de télévision.

 

(Source ACHDR / Daniel Bottin)

daniel.bottin@wanadoo.fr

 

 

 

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