Les premiers signaux horaires (2)
03 avr. 2025La première partie de cet article publiée le 27/03/2025 présentait le processus qui a conduit à faire de la tour Eiffel un centre de haut niveau pour la diffusion de l’Heure universelle.
La dernière ligne droite
Fin 1909, tout est prêt, ou presque. La station souterraine du Champ de Mars au pied de la Tour est pratiquement terminée, les émetteurs de la station provisoire (depuis 1903…) y sont installés provisoirement et la nouvelle antenne étale ses six brins rayonnants tendus en éventail en direction de l’École militaire. La station est reliée à l’Observatoire de Paris qui fournira l’heure exacte par l’intermédiaire d’une ligne télégraphique particulière. Une pendule spéciale (en réalité plusieurs pendules) est mise au point qui fournira non seulement des tops rigoureusement réguliers toutes les secondes, à raison de 60 tops à la minute, mais aussi des tops plus rapprochés permettant l’utilisation de la méthode des coïncidences.
Un mot en passant à propos de cette fameuse méthode, sans rentrer dans des détails qui seraient un peu hors sujet. Supposons que notre horloge comtoise personnelle fasse entendre un tic-tac parfaitement synchronisé avec les tops reçus par la voie des ondes, il n’y aura pas de battement, les vieux radioamateurs diraient qu’on est au « battement nul », on a l’heure exacte. Maintenant imaginons que notre pendule soit en retard de 0,5 seconde, on percevra à l’oreille ce décalage mais sans pouvoir dire si on a 0,4 ou 0,6 secondes de retard, et encore, à condition d’avoir une bonne oreille. Imaginons encore que la Tour envoie une série de tops plus courts, mettons de 0,99 seconde : 101 tops en 100 secondes. A l’oreille on entendra progressivement les tics et les tacs se rapprocher des tops et, au bout de 50 tops (dans notre exemple) on percevra le battement nul, la coïncidence auditive : 50 tops, 50 centièmes de secondes. C’est le principe du vernier des pieds à coulisse.
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La méthode est éprouvée avec le téléphone, il reste à l’évaluer avec les ondes amorties du poste à étincelles de la Tour. Ce sera fait le 18 janvier 1910 où une précision meilleure que 0,01 seconde est obtenue. Va-t-on pouvoir mettre ce nouveau service à la disposition de ceux qui l’attendent depuis des années ? Eh bien, non, la Seine en crue en décide autrement. Le 25 janvier les sapeurs radiotélégraphistes ont les pieds dans l’eau et le 27, récidive du fleuve en colère dont le flot boueux sape le radier sur lequel sont construits les locaux souterrains. Le niveau de l’eau atteint 2,3 mètres, il faudra attendre plusieurs semaines avant de pouvoir supprimer les causes de la catastrophe (des égouts défectueux) et refaire le radier en béton armé. Les travaux de remise en état de la station ont retardé de plusieurs mois le démarrage du nouveau service qui, comme précisé en introduction de la première partie de cet article, a lieu le 23 mai.
Bibliographie et sources
La masse d’informations sur cette période du bon vieux temps est énorme et l’examiner en détail peut prendre beaucoup de temps. Mais c’est un bonheur pour qui s’intéresse à l’histoire de la T.S.F.
Livres :
CORRET Pierre, Télégraphie sans fil - Réception des Signaux horaires et des Télégrammes météorologiques - Extrait du périodique "Le Cosmos - Revue des Sciences et de leurs applications"
De la SOUCHÈRE Marie-Christine, Une histoire du Temps et des Horloges - éditions Ellipses, 2007
DUROQUIER Frank, La Télégraphie sans Fil pour Tous - E. ORLHAC, éditeur - 1912
GILLET de VALBREUZE Robert, Notions générales sur la radiotélégraphie et la radiotéléphonie, Appendice III p.459 - éditeur Béranger, Liège 1914
ROTHÉ E., Conférence sur l'état actuel de la Télégraphie sans Fil - ses Applications scientifiques donnée à Nancy le 15 mai 1911.
TISSOT Camille, Manuel élémentaire de Télégraphie Sans Fil, Augustin CHALAMEL éditeur, 1914.
Conférence internationale tenue à Washington pour l'adoption d'un premier Méridien unique et d'une Heure universelle - Octobre 1884, éditeur : Gibson Bros., Washington D.C., 1884 (version française officielle disponible sur Internet Archive).
Périodiques :
Journal Officiel de la République Française :
- 1891 page 1233 du n°73 (15 mars)
- 1911 page 1882 du n°68 (10 mars)
Comptes rendus hebdomadaires des séances de l'Académie des sciences :
- 1904 page 1657
- 1906 page 1379
- 1908 page 791et plus particulièrement séance du 2 novembre
- 1910 page 306, 911, 935 et 1471.
"La Nature" du 30 juillet 1904 : Distribution de l'Heure par la Télégraphie sans Fil par Henri De PARVILLE.
"Revue Générale de l'Électricité" n°18 du 3 novembre 1917, Nécrologie : le commandant Tissot (1868-1917) par André BLONDEL.
Site (en allemand) : https://www.zeitklicks.de/zeitstrahl/1893/die-zeit-wird-vereinheitlicht
Et bien sûr notre blog, avec ces articles parmi les plus récents :
2025-02-20 : « Le signal horaire émis par l'émetteur d'Allouis maintenu pour dix ans »
2024-12-19 : « La diffusion du signal horaire face à la sobriété énergétique »
2024-10-17 : « Le site TDF d'Allouis à reçu la distinction "Architecture Contemporaine Remarquable" »
--------------------------------- Illustrations
Pour égailler un peu :
1ère partie :
Fig.1 : Chronomètre de marine HATTON James (vers 1810). Collection de la Maison des Lumières Denis Diderot – Langres (52)
Fig. 2 : Gravure tirée de La Gnomonique pratique de François BEDOS de CELLES (1774)
2ème partie
Fig. 3 : Publicité des années 1910 pour l’horloger L. LEROY
Fig..4 : Les pendules à l’Observatoire de Paris (Photo ACHDR Collection Poinsignon)
Source : ACHDR - Roland Guillaume F5ZV
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