Camille Papin Tissot, Pionnier de la TSF (Partie 2/3)
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La facétie habituelle de Ch. Millot est également présente dans un détail de ce tableau, détail qui a semé dans les esprits un trouble et un doute pas encore dissipés : « Télégraphie Sans Fil … ou Sans Fils » ?
Marconi, de son côté, a depuis 1897 assemblé une série d’appareils de T.S.F. de type « Righi », de très forte puissance. Il propose à l’état Français de lui louer du matériel, mais les militaires « veulent voir » avant de payer. D’avril à juin 1899, Marconi fait des essais sur la côte d’opale, devant une commission française à laquelle le jeune capitaine Ferrié participe.
Marconi établit la communication entre Douvres et Wimereux, soit 46 Km Dans son rapport, Ferrié émet de nombreuses réserves sur la véracité des performances atteintes par Marconi, et avoue que des stations parallèles ont été montées en secret par les autorités françaises pour vérifier les assertions de l’Italien. Et comme en plus le prix demandé par la compagnie britannique pour la location des appareils est trop élevé, le ministre refuse la location et demande à Tissot « de faire aussi bien que les Anglais ».
Avec son matériel sans cesse amélioré par ses expériences, Tissot signale alors à l’Académie des Sciences des portées de 22 Km entre Ouessant et le phare de Trézien, 33 Km entre le « Masséna » et la terre, de 61 Km entre un Cuirassé et le Portzic, et il relève que « des phrases entières reçues de manière excellente ».
En aout 99, il atteint 70 Km de portée attestée.
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A la même période, l’ingénieur Français Voisenat fait 10 km sur la terre, avec une installation type Popov, tandis qu’en Allemagne, et avec des oscillateurs de Righi améliorés, Braun ou Slaby signalent des portées de l’ordre de 35 km.
La différence entre les portées atteintes par Marconi, Tissot et les autres expérimentateurs à ce moment n’est pas du tout significative et on peut considérer ces performances comme quasi égales entre elles. En effet, une fois la limite du matériel de Hertz franchie (quelques dizaines de mètres),
l’opportunité météo et la conjoncture sont des variables très importantes, et c’est surtout la sensibilité du récepteur qui fait la différence.
Ce concept est longtemps resté étranger à Marconi, qui préféra augmenter la puissance d’émission, en pure perte …
Il faut maintenant passer à la vitesse supérieure. Tissot va intercéder auprés du ministre pour que la marine commande à Ducretet 6 postes de T.S.F, que lui-même finira de mettre au point sur les navires de destination. Ils sont livrés au début de 1900.
Ce sont les premiers appareils de radio de la marine nationale, et donc de l’armée française.
Tissot écrit à cette occasion le premier manuel pratique de T.S.F, qui est envoyé à Toulon pour l’instruction du personnel, car quatre des appareils Ducretet seront livrés là bas sous la conduite des jeunes lieutenants de vaisseau Colin et Jeance.
A l’été 1900 se tient à Paris une convention internationale d’électricité, dans le cadre de l’exposition universelle. Pour la première fois, on y installe une section de T.S.F à laquelle vont participer tous les grands pionniers.
C’est là que se rencontrent le lieutenant de vaisseau Tissot et le capitaine Ferrié, le premier présentant l’avancée de ses travaux tandis que le second vient décrire les expériences de Marconi auxquelles il a assisté. Ferrié remet à Tissot une copie de son rapport, qui observe « … qu’il n’y a rien là dedans qui ne soit pas déjà connu. ».
C’est le début d’une collaboration très fructueuse entre les deux hommes. Après cette conférence, la T.S.F., qui était jusqu’alors un pré carré de la marine, va susciter un grand intérêt de la part de l’armée de terre. Quant aux aviateurs, l’évolution technique fera que leurs avions seront équipés de postes de radio quasiment dés leur naissance.
La famille Ducretet, qui compte dans ses rangs plusieurs officiers de l’armée, se chargera de faire la publicité pour le matériel de leur oncle dans les casernes, allant jusqu’à écrire des manuels d’instruction et assurer eux même la formation à ce nouveau matériel.
En décembre 1901, Marconi transmet les premiers signaux radioélectriques d'une rive à l'autre de l'Atlantique, avec un émetteur du type de celui de Braun. Les conditions de cette transmission sont particulières : Marconi émet sans discontinuer la lettre « S » en morse (trois points). De l’autre côté de l’atlantique, l’opérateur perçoit dans le bruit de fond ce qui ressemble à un « S » et en déduit qu’on a réalisé la liaison transatlantique …
Le système de réception à radioconducteur utilisé jusque maintenant impose une vitesse de transmission assez faible (Limitation mécanique). Plusieurs études sont donc faites pour trouver un système plus rapide.
Ferrié, en particulier, travaille sur un nouveau détecteur révolutionnaire, de type électrolytique, dispositif permettant en plus la lecture au son des dépêches.
Il est présenté au Congrès d’électricité de Paris, puis, grâce à sa simplicité d’utilisation et de réglage, son utilisation se généralise. Pour l’anecdote, le poste d’Ouessant fut un des premiers à être équipé d’un électrolytique, et donc à passer à la lecture au son. Mais il fallut des mois au poste central de Brest pour comprendre qu’il était désormais inutile de réclamer en fin de mois les bandes imprimées, celles-ci n’existant plus !
31 mai 1900, la Marine crée des commissions d’études de Télégraphie Sans Fil dans les ports, afin de centraliser, organiser et suivre les différents travaux. Tissot en sera partie prenante dès le début, en sa qualité de précurseur.
La portée entre navires ou entre stations terrestres, à ce moment, est de 30 Km sûrs, 70 Km dans de bonnes conditions et 100 Km exceptionnellement. A la même époque, Marconi garantit à la Marine Britannique 120 Km de portée. On est donc toujours dans le même ordre de grandeurs.
Après les manœuvres navales de 1900, l’Amiral Gervais, convaincu par Tissot et ses démonstrations, affirme « … qu’il a constaté des résultats
remarquables et émet un avis ferme qu’il faut marcher, et marcher rondement, dans la voie ouverte, car on y trouvera, au point de vue des communications entre bâtiments, la solution à bien des problèmes …».
Après celles de 1901, il déclare « … qu’il porte des appréciations flatteuses sur les résultats obtenus avec la T.S.F. sur nos bâtiments. Le mérite en
revient aux efforts persévérants des officiers qui s’y sont consacrés de façon toute spéciale. Ces officiers nous ont dispensés de payer fort cher à l’étranger (Marconi NDR) des brevets qui ne nous donneraient que ce que nous pouvons obtenir par nos propres moyens. ».
En 1901 également, une communication de 500 Km est établie entre le croiseur Bruix, en mer, et la station de Port-Vendres en méditerranée.
L’efficacité des travaux étant freinée par le grand nombre de commissions existantes dans les ports, l’état-major institue à Paris « la Commission Centrale de T.S.F. », pour les coordonner. Tissot et Ferrié en sont bien sur membres.
A cette époque, Tissot fait de nombreuses conférences, en France et en Europe (Bruxelles, Stockholm ….) pour vulgariser la TSF auprès des populations.
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En 1905, Tissot publie sa thèse de doctorat ès Sciences consacrée aux énergies mises en jeu dans les antennes, et celle-ci reçoit un accueil enthousiaste en Europe et dans le reste du monde. Il utilise, pour mesurer cette énergie infime, un « bolomètre » qui permet, pour la première fois, de
faire des mesures très précises et d’en tirer des conclusions probantes. C’est cette minutie qui fera, à l’international, le succès de la thèse de Tissot.
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A partir de 1905, Tissot fait des études très approfondies sur la détection des signaux radio. Les archives de Tissot et ses cahiers d’expériences laissent penser qu’il est celui qui a poussé le plus loin les essais dans ce domaine en France, en travaillant surtout sur les détecteurs à contacts solides (Chalcopyrite puis galène).
L’année 1906 voit aussi l’ouverture d’une section de T.S.F. à l'École Supérieure d'Electricité de Paris, avec un cours théorique, confié concurremment à Tissot et Ferrié.
Le 9 octobre 1906 s’ouvre la deuxième conférence internationale de T.S.F à Berlin. Entre autres décisions, on fixe le SOS comme signal de détresse officiel en remplacement du CQD délibérément imposé en 1904 par Marconi, et on sacralise la priorité absolue des messages de détresse sur le reste du trafic télégraphique.
Pour l’anecdote, alors que la plupart des nations étaient représentées par les hommes les plus compétents en la matière, la France fit le choix d’y envoyer deux officiers d’état-major sans aucune connaissance en TSF. Or, la thèse de Tissot venait de paraître, elle connaissait dans le milieu un certain succès et plusieurs des participants étaient persuadés de pouvoir discuter avec le scientifique Français et ainsi éclaircir certains points ou confronter des points de vue.
Mais Tissot n’avait pas été convié …
Assaillis de questions auxquelles ils ne comprenaient rien, les deux représentants français finirent, pour se tirer d’affaire, par télégraphier à Tissot pour lui demander de leur adresser de toute urgence à Berlin un exemplaire de cette thèse, « avec la manière de s’en servir » !
Toujours cette même année, Tissot, assisté de Ferrié, Voisenat et Eiffel entre autres, débute des essais visant à faire transmettre par le poste de la Tour Eiffel l’heure de l’Observatoire. Le but du marin est, encore une fois, de sécuriser la navigation en transmettant aux navires l’heure exacte de Paris et ainsi leur permettre de calculer leur longitude. A l’époque, ce calcul n’est possible qu’en comparant l’heure locale avec l’heure de référence d’un point dont on connait la longitude. En 1907, suite à ces essais, Tissot démontre la possibilité d’utiliser la TSF pour transmettre un signal horaire et régler les chronomètres des navires en mer.
Le 23 mai 1910, la mise en service de ces signaux, qui sont entendus à 5 200 km la nuit et moitié le jour règle définitivement le problème de la conservation de l’heure : On ne peut plus se perdre sur la planète terre … Cette même année, Tissot conçoit, avec F. Pellin, un récepteur à galène sans réglage fastidieux pour recevoir ces signaux à bord des navires.
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Récepteur de signaux horaires simple pour navires Tissot-Pellin, 1908
Aucun réglage, la bobine est réglée sur la fréquence de la tour Eiffel et le détecteur, sous le capot en laiton, et un détecteur à Galène !
(Source Jean Luc fournier - famille Tissot / ACHDR - D.Bottin)
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