La Norvège devient le premier pays du monde à passer à la radio exclusivement numérique.
La Norvège a achevé, mercredi 13 décembre, son passage à la radio numérique terrestre (RNT), devenant le premier pays au monde à éteindre les émissions nationales en modulation de fréquence (FM).
Le passage au numérique, qui avait commencé le 11 janvier, permet selon ses promoteurs d’améliorer la qualité du son, d’accroître le nombre de chaînes et d’enrichir les fonctionnalités à un coût de diffusion huit fois moins élevé.
Il s’est toutefois heurté à des critiques liées à des incidents techniques, une couverture du territoire jugée insuffisante et un coût élevé pour les usagers contraints d’acheter de nouveaux récepteurs ou des adaptateurs d’un coût oscillant généralement entre 100 et 200 euros. Selon une étude citée par les médias locaux, la proportion de personnes écoutant la radio quotidiennement a chuté de 10 % en un an, la radio publique NRK ayant même perdu 21 % de ses auditeurs.
Le Digital Audio Broadcasting et « la vieille FM »
La diffusion radiophonique en « modulation de fréquence » (FM), lancée aux Etats-Unis après la seconde guerre mondiale, est progressivement devenue la norme dans le monde entier. La dernière modernisation radiophonique est la radio numérique terrestre (RNT) – Digital Audio Broadcasting (DAB) en anglais. Les arguments en faveur d’un passage à la RNT sont assez clairs et difficilement attaquables :
meilleure qualité du son ; plus de stations qu’en FM (les 5 stations nationales en Norvège d’aujourd’hui deviendront 22, puis potentiellement 42) ; synchronisations de la radio avec d’autres médias (texte défilant, images, Web) ; possibilité de podcaster ; meilleure diffusion des messages d’alerte ; des coûts de diffusion huit fois moins chers, selon le gouvernement
Pourquoi la Norvège ?
La Norvège est un des rares pays à avoir développé la RNT parallèlement à la FM. Elles coexistent depuis 1995, pour des raisons technophiles mais aussi géographiques, comme le précise l’AFP :
« La principale raison pour laquelle la Norvège est la première à franchir le pas est liée à la topographie du pays : ses fjords et ses montagnes, ainsi que l’éparpillement de la population sur des grandes superficies, font que la diffusion en FM est chère. »
L’ancien système est trop coûteux à rénover, selon le gouvernement, qui a donc pris la décision de l’abandonner au profit du tout numérique. « L’infrastructure FM arrivait au terme de sa vie. Ils devaient de toute façon soit tout remplacer, soit s’engager totalement dans la RNT », résume Stephen Lax, spécialiste des technologies de communication à l’université de Leeds. Qu’en pensent les auditeurs norvégiens ?
Malgré des arguments solides pour justifier cette transition numérique, des années pour s’y préparer et le fait que la bande FM existera encore pendant quelques mois, les Norvégiens ne sont pas contents. Un sondage publié par le journal Dagbladet en décembre montre que 66 % des Norvégiens ne veulent pas la fin de la FM. Seuls 17 % sont pour.
Beaucoup de Norvégiens se sont vite rendu compte que, si le basculement vers la RNT devrait permettre à l’Etat d’économiser de l’argent, il leur coûtera individuellement plus cher, en tout cas à court terme, nécessitant de remplacer ou d’adapter les près de 8 millions de postes qui ne fonctionneront plus d’ici à un an et d’équiper sa voiture.
L’AFP donne des précisions sur le sondage :
« Si 74 % de la population est déjà équipée d’au moins un appareil permettant de capter le signal numérique, le problème se pose avec acuité pour les automobilistes, puisque seules un tiers des voitures individuelles peuvent aujourd’hui recevoir la RNT.
Y remédier nécessite l’achat d’un adaptateur, dont le prix varie généralement entre 1 000 et 2 000 kroners (entre 110 et 220 euros), ou le remplacement encore plus onéreux de l’autoradio. »
Interrogé par le Financial Times, Sverre Holm, spécialiste des traitements de signal à l’université d’Oslo, pense, à l’inverse de son gouvernement, que la Norvège est « un très mauvais choix » comme pays précurseur de la RNT.
« Nous avons des taxes si élevées sur les voitures que nous avons beaucoup de vieilles voitures. Payer pour de la radio n’est pas dans l’ADN des Norvégiens. »
Et en France ?
La Norvège sait que, quelque part, elle fait un test grandeur nature au profit d’autres pays encore à mi-chemin entre la FM et la RNT. Si certains d’entre eux – l’Angleterre, la Suisse, l’Allemagne – ont déjà déployé la RNT avec un certain succès, un retard s’est accumulé en France.
Vendue comme « la TNT de la radio » par Nicolas Sarkozy, elle avait été promise en 2008, puis en 2009. Elle a été déployée à Paris, Marseille et Nice en 2014, et Strasbourg, Lille et Lyon basculent actuellement. Le CSA vise une couverture de 20 % de la population d’ici à la fin de 2017, un seuil crucial, comme nous le soulignions il y a quelques mois :
« Il déclenche l’obligation pour les fabricants d’intégrer la réception de la RNT dans les autoradios et les récepteurs radio. Or, les fabricants concernés – Sony, Philips, Panasonic, Samsung et les autres – sont hostiles à ces contraintes. »
En attendant, la France a déjà commencé à mettre fin aux émissions sur grandes ondes, un mode de diffusion de la radio lancé au tout début du... XXe siècle.